Il est de ces personnages qui, lorsqu'on les croise, vous laissent une impression toute particulière. Hommes et femmes de la vraie vie, héros de roman, figures familiales...
Etre historien, c'est sans doute avoir un rapport au temps un peu particulier, se défier des frontières des ans, naviguer au travers des âges sans retenues d'absences... Et croiser des personnages auxquels on s'attache au delà des mots et du temps...
Ainsi en va t'il d'Anne Vallayer-Coster (1744-1818). Un prénom en commun, comme une première petite reconnaissance. Et puis un destin particulier, un personnage marquant, une force de caractère.
Anne est une des rares femmes à être admise comme membre à l'Académie Royale de Peinture et de Sculpture le 28 juillet 1770.
Regardez son morceau de réception, Les attributs des arts.
A première vue une nature morte classique, de très belle facture.
Une nature morte ? Oui, mais pas seulement.
Ceux qui pratiquaient la nature morte était considérés comme des artisans et non comme des vrais artistes. En donnant une dimension allégorique à sa nature morte, elle revendique un statut d’artiste à part entière. Pour personnifier la sculpture, elle ne suit pas la tradition, qui veut qu'on représente un art par une muse, mais elle choisit le moulage en plâtre d'un nu masculin classique. Or les femmes artistes étaient interdites de nu masculin et par conséquent de peinture historique, le grand genre par excellence, qui supposait des modèles masculins plus ou moins dénudés. Elles devaient donc se limiter aux genres mineurs comme la nature morte et le portrait. Qu'une femme choisisse de représenter ce type de plâtre pouvait donc passer pour un acte de revendication égalitaire. En haut du tableau et opposé à la sculpture en modèle réduit, se trouve un buste de femme, mais cette fois-ci en grandeur nature. Ce buste de style moderne et inachevé, car recouvert d'un linge humide, est en fait un autoportrait caché.
Le talent d'Anne Vallayer-Coster la mène à la cour du roi. Elle devient chef du cabinet de peinture de la reine Marie-Antoinette ainsi que son professeur de dessin.
Et ses bouquets de fleurs, ses bouquets de fleurs...
J'aime lorsqu'au delà du temps, les traits d'un personnage attirent. Lorsqu'au delà des mots, la force et l'émotion retiennent l'attention.
"Un sacré carafon" comme on dit chez les Nains de Jardin. Et c'est un compliment.